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— Et qu’a-t-il dit encore ? reprit ironiquement la femme.

— Ah ! vous voulez me faire parler, vieille Suzon, vous n’y arriverez pas ; en définitive, je ne répète que ce que chacun a entendu, je ne dis rien de plus, je ne suis pas un bavard.

— Non, le constable pourrait témoigner de votre discrétion.

— N’allez pas me dénoncer au moins, vous autres ; je n’ai rien dit, les constables font une expédition, c’est leur devoir, nous n’avons pas à nous en occuper, voilà tout ; la mère Coning a de trop bon poothen, il fait parler les gens les plus discrets.

Colette n’écouta pas davantage les divagations de l’ivrogne, prétextant une affaire, elle rentra de suite à son cottage.

Comment prévenir les proscrits ? Jack ne devait pas venir avant le lendemain, il serait trop tard. Les montagnards, surpris à l’improviste, seraient traqués et arrêtés sans pouvoir se défendre. Que faire ! La jeune fille était en proie à la plus vive anxiété.

Son père lui avait défendu d’aller à la cabane de Jane, en s’y rendant elle s’exposait à faire naître des soupçons ; d’un autre côté, elle ne pouvait confier à personne une si grave mission.

Elle trouva le cottage désert, son père ne devant rentrer de la ville, où il allait chaque semaine vendre ses denrées, qu’à la nuit, sa mère gardait les vaches en surveillant les plus jeunes enfants. Mary n’était pas encore revenue ; Colette pensa donc à utiliser ses quelques heures de liberté pour sauver ses amis. La circonstance exceptionnelle justifiait, pensait-elle, la désobéissance aux ordres de son père.

S’enveloppant de sa mante, la jeune fille se dirigea vers la chaumière de la mère de Jack.

On était au mois de décembre, le froid intense ajou-