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de vous nuire, j’ai trop à cœur votre intérêt qui est du reste le mien. Mais vraiment on raconte dans le village un fort joli roman dont vous êtes l’héroïne. Colette s’intéresse aux rebelles, nargue la police ; je veux croire qu’il n’y a rien de plus.

— Laissons cela, William, je vous défends de me parler ainsi ; ma conscience ne me reproche rien, vos insinuations sont des injures. Je ne comprends pas qu’un garçon qui se dit intelligent ait un assez petit esprit pour aller recueillir ainsi les cancans du village.

Colette se sentant menacée avait pris la bonne tactique qui consiste à porter la guerre sur le terrain ennemi, forçant son adversaire à reculer pour se défendre.

— Je ne m’arrête pas aux bavardages du village, Colette, reprit William froissé, j’ai toujours su me tenir au-dessus de ces choses-là ; mais je ne vous cacherai pas que votre intérêt pour Tomy Podgey a lieu de me déplaire.

— Vous eussiez préféré le voir pendu ?

— Non, je l’aurais déploré sincèrement ; cependant il avait mal agi et nous n’a vous pas à intervenir dans l’œuvre de la justice.

— Si votre parrain ne vous avait laissé ce peu de bien dont vous êtes si fier, qui peut dire que vous n’ayez pas eu le sort de ces pauvres gens que vous dédaignez maintenant ?

— Permettez-moi de vous faire observer, Colette, que votre comparaison est déplacée ; je suis un homme établi, considéré, il n’y a pas de rapport entre moi et ces va-nu-pieds qui vous occupent beaucoup trop.

— William, si je devais devenir un jour aussi orgueilleuse, je refuserais de suite votre fortune et votre nom.

— Voyons, Colette, reprit le jeune homme en changeant de ton, je vous aime, pardonnez-moi un sentiment de jalousie contre ce Tomy, que vous avez paru souvent me préférer. Donnez-moi la main et que des récrimina-