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de pommes de terre et, de distance en distance, de pauvres cabanes.

Par cette froide matinée d’hiver, sous la pluie glacée qui ne cessait de tomber, la vallée offrait un aspect de désolation qui remplissait de tristesse l’âme de Tomy. Il suivait ses compagnons en silence, se demandant s’il ne valait pas mieux mourir que de vivre dans une aussi affreuse solitude.

— William, dit-il à son frère, combien de temps resterons-nous ici ?

— Je ne sais pas, Tomy, nous sommes menacés, la police nous recherche, il faut nous faire oublier.

— Notre mère et nos sœurs que sont-elles devenues ?

— Elles nous rejoindront ici.

— Ici ?

— Oui, d’autres familles de proscrits vivent dans ces cottages que tu aperçois là-bas.

On descendait une rampe très raide d’où un faux pas eût précipité dans l’abîme ; les montagnards habitués à franchir ces sentiers difficiles marchaient gaiement ; on arriva ainsi sur les bords du lac. Des groupes de rochers garnissaient le bas de la montagne et servaient d’appui à une dizaine de huttes, construites en terre et couvertes de chaume. De légers flocons de fumée s’élevaient d’un rocher, l’air était imprégné d’une forte odeur de tourbe.

— Ah ! ah ! dit un des hommes, John Buck travaille, c’est bien, il a pensé qu’on aurait besoin de se réconforter après une semblable expédition.

11 fit entendre un coup de sifflet qui reçut bientôt une réponse, et l’on vit accourir plusieurs hommes vêtus de peaux, armés de carabines.

— Amis, dirent les montagnards, les constables sont enfoncés, nous ramenons le prisonnier.

Un hourrah accueillit ces paroles.

À l’entrée d’une des cabanes, John Buck, auprès d’un