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Une petite pluie fine et gelée tombait sur la campagne désolée ; le froid engourdissait les membres des nombreux spectateurs qui se pressaient, consternés, sur la place où était dressé le fatal gibet.

Tomy, grelottant lui aussi, regardait tristement la foule ; il lui semblait moins cruel de quitter la vie par une si morne température que par un ciel bleu ensoleillé.

Tout à coup il tressaillit en reconnaissant Colette, c’était la seule joie de sa courte vie, son seul amour, son unique regret.

La jeune fille, se frayant un passage dans la foule, arriva jusqu’à lui et murmura à son oreille :

— Courage, Tomy, tenez-vous prêt.

Que signifiaient ces paroles ? Le jeune homme n’en pénétrait pas le sens, mais un vague espoir ranima son cœur.

Il tendit à Colette ses deux mains enchaînées.

— Adieu, ne m’oubliez pas.

Un constable entraîna le prisonnier.

Au pied de la potence, Tomy s’agenouilla, reçut la bénédiction du prêtre et sans défaillance, il s’abandonna au bourreau.

De sourds murmures parcoururent la foule, l’indignation, la colère grondaient dans les âmes ; ces murmures, comme des flots soulevés par la tempête, s’élevaient pressés, tumultueux, menaçants. Un cri strident retentit au sein de la foule, on s’agita, on se poussa, ce fut une affreuse bousculade. Quinze hommes armés se jetèrent sur les constables ; les femmes s’enfuirent, les enfants furent renversés. C’étaient les montagnards que les paddies favorisaient de leur mieux ; Tomy, enlevé par des bras vigoureux, disparut malgré les efforts désespérés des constables qui luttaient vaillamment. Les bandits en eussent fait un effroyable carnage, si le