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main que vous êtes venue ici ? dit celui qui paraissait être le chef.

— Oui, répartit Colette.

— Nous avons trop de besogne en ce moment ; d’ailleurs il serait téméraire de braver la police en face et en plein jour. Ne savez-vous pas que celui qui se laisserait prendre subirait le sort que vous voulez épargner à Tomy Podgey ?

— Vous ne seriez pas pris.

— Qui nous le prouve ? Non, le garçon s’est mis dans un mauvais cas, nous ne pouvons l’en tirer.

Colette baissa tristement la tête. Un long silence régna dans la cabane, la mère Jane venait de jeter une brassée de tourbe pour attiser le feu, une flamme vive éclairait cette scène digne du pinceau de Rembrand. La vieille femme assise sur la marche du foyer, les trois bandits dans des attitudes différentes : le plus âgé, son chapeau rejeté en arrière, regardait à terre en fronçant ses sourcils bruns ; le second s’était rassis et sans se mêler au débat, dégustait en silence son verre de whiskey ; Clary grave et songeur considérait la jeune fille qui se trouvait en pleine lumière.

Colette était grande, élancée, elle avait rejeté sa mante et sa taille paraissait avec toute son élégance naturelle ; ses longs cheveux blonds tombaient en bandes sur ses épaules ; son visage, si frais d’ordinaire, était d’une extrême pâleur ; ses grands et beaux yeux d’azur se voilaient de larmes ; ses traits délicats, harmonieux la rendaient d’une beauté saisissante.

Clary la contemplait avec une muette extase et Jack se demandait comment ces hommes étaient assez farouches pour refuser ce que désirait Colette.

— Vous ne voulez rien faire en faveur de Tomy ? reprit la jeune fille donnant à sa voix déjà si douce l’intonation de la prière.

Le buveur avait posé son verre et regardant Colette, il dit d’un ton goguenard :