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pressait pas de prendre la parole ; elle s’approcha du foyer où une vieille femme était assise.

— Bonjour, mère Jane, dit-elle, comment vous traite ce temps rigoureux ?

— Par Saint Patrick ! s’écria la bonne femme, Colette, est-ce bien vous, à cette heure ! qu’y a-t-il pour que vous accouriez ainsi avant le jour ?

Les buveurs firent un mouvement d’attention, sans cependant relever la tête.

— Ma bonne Jane, reprit la jeune fille, il y aura demain un malheur à Greenish, la justice du landlord s’exercera sur un pauvre Irlandais, la potence recevra une nouvelle victime.

— Encore ! murmura un des hommes.

— Qui donc, ma fille ? demanda la vieille femme.

— Tomy Podgey.

— Qu’a-t-il fait ?

Colette raconta ce qui était arrivé à la pauvre famille, son expulsion, sa lutte contre les constables, l’incendie du cottage et enfin l’arrestation de Tomy.

— Il a bien agi, dit un des montagnards prenant enfin la parole, la résistance est le meilleur parti à opposer à l’injustice qui nous gouverne.

— Oui, mais il va être pendu, fit Colette en pleurant.

— À cela, ma belle enfant, il n’y a rien à faire, répliqua philosophiquement le bandit.

— C’est malheureusement vrai, affirma la vieille femme, mais vous ne m’avez pas dit, Colette, le motif de votre visite.

— Je voudrais sauver Tomy.

— Y pensez-vous, ma fille ? Cette résolution est insensée. On ne peut rien espérer de la justice de mylord. Jamais il ne fait grâce.

— Mère Jane, dans votre impuissance, je comprends que vous raisonniez ainsi, mais des hommes ! ajouta-t-elle en se tournant vers les montagnards.