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seilla de se coucher afin de trouver dans le sommeil un peu de repos.

Mary, après avoir bien pleuré, s’endormit. Colette ne ferma pas les yeux. Avant le jour elle se leva et sortit furtivement de sa chaumière.

Qu’avait-elle décidé pendant cette nuit d’insomnie ? nous allons le savoir.

« Je ne veux pas que Tomy soit pendu, dit-elle, le bon Dieu m’aidera à le sauver. »

Sur le sol irlandais, il n’y a pas comme sur notre vieille terre d’Armorique d’antiques calvaires où le chrétien puisse s’agenouiller et prier. Là aucun signe extérieur d’un culte à peine toléré. Colette leva ses beaux yeux humides de larmes vers la voûte céleste, où réside le Dieu créateur de l’univers et, les mains jointes, elle invoqua son secours.

Que pouvait-elle, faible jeune fille, contre la justice inexorable du landlord ! C’était folie d’essayer de lutter, mais cette folie elle la commettrait. Tomy devait être jugé ce jour-là et exécuté le lendemain, Colette avait donc vingt-quatre heures pour agir.

Un brouillard épais et froid couvrait la campagne et augmentait encore l’obscurité, Colette avançait sans prendre garde à la rigueur de la température, et à la difficulté des chemins.

À un angle du sentier, des ombres surgirent, elle s’arrêta effrayée. Trois hommes s’approchèrent, elle les reconnut et frissonna. C’étaient Willy Podgey et ses deux fils.

— Colette, dit le paddy, n’ayez pas peur.

— Je vous croyais loin d’ici, répondit la jeune fille, ignorez-vous à quoi vous vous exposez ?

— Nous le savons, mais Tomy ne nous a pas rejoints hier, il lui est peut-être arrivé malheur, nous sommes revenus nous en informer.

— Hélas ! murmura la jeune fille, il a été pris.