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poste se glissa quelques pas plus loin ; il regarda s’il pouvait fuir à travers champs : non, le passage n’était pas libre, il allait être cerné.

« Je n’ai plus qu’à vendre chèrement ma vie, pensa-t-il ; eh bien ! je mourrai près d’elle et pour elle. »

Cette pensée ranima son courage.

Un des constables voulut franchir un fossé pour s’emparer de Tomy par derrière ; l’obscurité ne lui permit pas de voir un épais filet de pêche étendu là pour sécher, ses pieds s’embarrassèrent dans les mailles et il tomba en poussant un affreux juron.

Colette s’élança à son secours, mais soit maladresse, soit volontairement, le constable se trouva si bien enveloppé dans le filet qu’il ne pouvait s’en dégager.

— Maudite fille ! dit-il, tu prends parti pour le révolté, tu paieras cela à ton tour.

— Je ne prends parti pour personne, répondit Colette, je plains un malheureux, il est vrai ; si pareille chose vous arrivait, je ne vous refuserais pas ma pitié.

Mais Tomy avait encore à lutter contre six constables, il ne pouvait manquer de succomber tôt ou tard. En effet, après une lutte acharnée, il fut pris par les hommes de la police et emmené au village, malgré les cris et les pleurs de Colette et de sa sœur.

— Et c’est moi qui suis la cause de sa mort ! sanglotait la jeune fille.

— Non, Colette, c’est mon imprudence qui m’a perdu, ne vous reprochez rien, mon amie, ne pleurez pas, la vie m’était-elle si douce ? Adieu, ne m’oubliez pas, ma dernière pensée sera pour vous.

— Jamais je ne me consolerai d’avoir causé un si grand malheur, gémissait la pauvre enfant.

— Allons, en marche et qu’on en finisse avec ces balivernes, s’écrièrent les constables en poussant rudement leur prisonnier. Tomy jeta un dernier regard à Colette éplorée et se laissa emmener.