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adieu à Colette, dit-il ; son cottage est près d’ici, je peux sans danger faire ce détour, l’obscurité me protège. »

Le jeune homme arriva en courant près de l’habitation de Colette ; celle-ci se trouvait justement à l’entrée de la cour avec sa sœur Mary.

Les deux jeunes filles eurent d’abord un sentiment de frayeur en voyant un homme s’élancer vers elles à cette heure avancée.

— Ah ! fit Colette, c’est vous Tomy ? qu’y a-t-il ? un malheur est arrivé chez vous ?

— Oui, je suis proscrit, je fuis ; si la police me saisissait, je serais pendu.

— Grand Dieu ! que s’est-il passé ?

— On a tenté de nous expulser aujourd’hui, nous avons repoussé les constables, nous les avons rossés, ah ! comme il faut, je vous assure. Ma famille, à cette heure, est à l’abri ; moi, je suis resté, j’ai mis le feu à notre cottage au moment où le bailli arrivait avec un renfort. Notre malheur ne profitera pas au landlord. Je ne regrette qu’une chose, c’est d’avoir laissé mon poney aux mains du collecteur des dîmes de Sa Révérence et de n’avoir pu briser l’échine de ce vieux drôle !

— Taisez-vous, Tomy, dit la jeune fille effrayée d’une telle exaltation. Mais que faites-vous ici ? chaque minute perdue est un danger de plus. Ah ! je tremble, fuyez vite ; si l’on vous prenait, mon Dieu !

— Colette, je ne voulais pas partir sans vous dire adieu.

— Merci, mon cher Tomy, adieu, meilleure chance à l’avenir. Mais partez, partez donc, malheureux !

Tomy avait saisi les deux mains de la jeune fille, et semblait ne pas songer que sa vie était menacée.

— Colette, vous ne m’oublierez pas tout à fait ?

— Non, Tomy, nous avons grandi ensemble et notre amitié ne date pas d’hier. Je me souviendrai toujours que, dans mon enfance, je tombai à l’eau et vous me