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Willy et ses fils, rangés sur une ligne, restèrent là menaçants jusqu’à ce que les hommes de la police eurent disparu.

Quand on ne vit plus briller à travers le brouillard l’acier des fusils et des sabres, le fermier dit :

— Mes enfants, ceci est une mauvaise affaire pour nous, le bailli reviendra bientôt avec un renfort et nous serons arrêtés ; fuyons au plus vite, gagnons la campagne, en marchant le reste du jour, nous arriverons à la nuit à Cork ; là nous serons à l’abri des poursuites.

— Allez, dit Tomy, prenez l’avance à cause des enfants, je vous rejoindrai bientôt.

— Pourquoi ne viens-tu pas, mon fils ? dit Jenny.

— J’ai une affaire, et puis mylord n’aura pas notre cottage ; avant d’en partir, j’y mettrai le feu.

— J’y pensais, fit William, je resterai avec toi.

— C’est inutile, frère, un seul suffira, je me sauverai ensuite.

Toute la famille réunissait à la hâte le peu de provisions qui restait, partit sans retard pour échapper au malheur qu’elle avait attiré sur sa tête par une résistance inutile.

Tomy soulevant de larges brassées de fougères en disposa plusieurs tas dans l’intéripur de la chaumière ; il en remplit aussi la petite écurie où le cochon et les oies étaient enfermés.

« Ils n’auront rien, dit-il, rien, les misérables ! »

Ses préparatifs terminés, il attendit anxieusement. Trois heures s’écoulèrent, les premières ombres du soir descendaient sur la campagne, le brouillard s’était dissipé sous le souffle de l’âpre vent du nord.

« Ma famille est sauvée maintenant, je suis tranquille ; monsieur le bailli, à nous deux ! »

Un bruit semblable à un cliquetis d’armes retentit dans le lointain.