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escorté de quatre constables en uniforme et armés de leurs fusils.

— Bonjour, Willy, bonjour, mes amis, fit le bailli l’une voix cauteleuse.

Les pauvres gens consternés ne répondirent pas.

Eh bien ! mon brave Podgey, êtes-vous en mesure de payer à mylord les termes en retard ?

— Non, monsieur le bailli, mais soyez assez bon…

— Je ne veux plus rien entendre, pouvez-vous me payer oui ou non ?

— Non, répliqua Willy.

— Alors, les amis, détalez au plus vite, je mets la saisie sur tout ce que renferme votre cottage, mobilier, volaille, cochon et poney.

— Quant au poney, fit Tomy, Son Honneur pourra le faire prendre dans les écuries de Sa Révérence.

— Quoi ! le collecteur des dîmes a passé avant moi ? le coquin ! il n’en fait jamais d’autres. Nous verrons cela, je consignerai la chose dans le procès-verbal.

Jenny tout en larmes vint avec ses plus jeunes enfants tomber aux pieds du bailli.

— De grâce, ne nous chassez pas, ayez pitié d’une pauvre mère, voyez ces petits innocents, si vous nous jetez dehors nous n’avons plus qu’à mourir de faim et de froid au bord du chemin.

— Relevez-vous, ma brave femme, toutes ces jérémiades sont inutiles ; chaque jour j’assiste à pareille scène, je dois exécuter les ordres de mylord.

Mais Jenny se traînait à ses pieds, embrassait ses genoux, pleurait, gémissait et tous ses enfants joignaient leurs cris aux siens, c’était navrant.

— À ça, allez-vous cesser de m’assourdir ainsi ! fit le bailli avec colère ; constables, faites votre métier, débarrassez-moi de tout cela au plus vite.

Le chef des constables repoussa si rudement la pauvre femme qu’elle alla rouler sur le sol.