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rain qui venait de laisser à Cork un commerce assez prospère ; si le jeune homme était à la ville un bien mince personnage, pour les pauvres habitants de son village natal, c’était un richard ; sa mise relativement élégante faisait soupirer d’envie les jeunes garçons du pays ; toutes les jeunes filles en voulaient à Colette d’absorber l’attention de William.

Colette elle-même était fière de cette préférence et tout en ayant l’air de ne pas céder de suite aux instances du jeune homme, elle n’avait garde de le laisser échapper. Tomy était plus beau garçon que William, elle le connaissait dès l’enfance et avait toujours eu de l’amitié pour lui. Tomy était pauvre tandis que William avait du bien. Des maris de ce genre ne se trouvaient pas au village et le père de Colette n’eût pas pardonné à sa fille de le refuser.

Tomy avait mis ses vêtements les moins délabrés que Susy avait passé la semaine à repriser et, monté sur le poney de son père, il fit son entrée sur la place du marché.

— Ah ! c’est Tomy Podgey, dit, avec un sourire amer, un jeune garçon vêtu d’un reste de costume militaire qui avait certainement vingt ans d’usage, comme il est élégant et fier sur son poney ! On dirait que son père est plus riche que les autres.

— Laisse ce jeune coq relever la tête, reprit un autre il ne chantera pas longtemps sur ce ton-là.

— Comment ?

— On dit que Willy Podgey a plusieurs termes en retard, sans compter les arriérés de dîme qu’il doit à Sa Révérence.

— Quel est le paddy qui n’en peut dire autant ? interrompit un homme.

— Sans doute, mais on s’attend à voir un de ces jours les Podgey expulsés de leur cottage.