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mirent de me rejoindre dès que j’aurais pu me créer une situation suffisante.

Les premiers temps de mon séjour en Australie furent tristes ; cependant je ne me laissai pas abattre, je me livrai résolûment au travail. Le pays, alors sans culture (c’était au commencement de la colonisation), n’offrait pas tous les charmes qu’il possède aujourd’hui, mais le soleil était si radieux, le climat si doux, la vie si calme que j’oubliai tout pour ne voir que les espérances d’avenir qui me souriaient.

Il fut fait une distribution de terres aux nouveaux colons, les unes louées, les autres vendues avec la facilité de payer par dixième chaque année.

J’acquis un lot de terre à cette condition ; je me construisis une petite cabane où, à défaut de confortable, je jouissais d’un air pur et salubre. Ce sol, une rare fertilité se prête à toutes les cultures : le blé, le riz, le houblon, me donnèrent bientôt un revenu suffisant, puis la vie était à si bon marché !

Je me sentais heureux, j’entrevoyais le jour prochain où je deviendrais propriétaire de mon exploitation, où des perspectives nouvelles s’ouvriraient devant moi.

J’étais dans la colonie de Victoria, non loin de Melbourne, une ville de peu d’importance alors, qui compte aujourd’hui trois cent mille habitants, et possède la richesse et les splendeurs des plus belles capitales européennes.

La campagne se peuplait de modestes villages ; sur les collines de jolis cottages miraient leur façade de briques de couleur dans les eaux transparentes de la Yarra. Les chaumières des nouveaux émigrés n’étaient point confortables, mais elles ne valaient pas moins que celles qu’ils avaient quittées et elles leur appartenaient. Là ils ne connaissaient plus la misère ni l’oppression ; ils ne souffraient ni du froid, ni de la faim ; les enfants qui jouaient devant la porte étaient en haillons, c’est