Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 42 —

— Ce que je vous dis, je l’ai vu. Je suis Irlandais aussi ; voulez-vous connaître mon histoire, elle sera la meilleure attestation en faveur de la belle et prospère Australie ?

— Nous vous écoutons avec un vif intérêt, monsieur, dit le fermier.

L’étranger commença :

— Je naquis dans un pauvre village du Munster. Je vois encore la colline sur le penchant de laquelle s’étageaient deux ou trois cents huttes de terre, dont une ouverture au toit de chaume laissait échapper la fumée du foyer. C’est dans une de ces demeures infectes, sans air, sans lumière que je vins au monde. L’étable délabrée abritait un poney poussif et une vache étique. Derrière l’habitation un petit clos, ensemencé de pommes de terre, était séparé des clos voisins par des pierres entassées formant une muraille mobile. Au-dessus du village s’élevait le clocher de la vieille église dont la mousse et le lierre soutenaient les côtés chancelants.

Mon père était un pauvre tenancier chargé de famille, accablé par les exigences du landlord, par la dîme due au ministre protestant, par les vexations de toutes sortes ; il gémissait dans la misère et mon enfance fut bien triste.

À l’âge de dix-huit ans, je résolus de m’embarquer, afin de me créer une position et de venir un peu en aide à ma famille ; je naviguai durant quelques années.

Je me trouvai un jour dans un port au moment d’un départ d’émigrés pour l’Australie ; je m’informai, on me dit les avantages qu’allaient trouver dans ce pays les infortunés qui tous fuyaient la cruelle misère.

Mon parti fut pris, je me rendis au commissariat et je signai l’engagement de résider deux ans dans la colonie.

Mes parents approuvèrent ma détermination, ils pro-