Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 40 —

On était au mois de septembre, l’automne commençait sombre et pluvieux, l’hiver apparaissait avec ses inquiétudes cruelles pour les pauvres gens.

Un jour que Willy Podgey se tenait mélancoliquement sur sa porte, regardant autour de lui ces lieux où il avait vécu vingt ans d’une existence tourmentée, mais entremêlée cependant de quelques joies, il vit venir à lui un gentleman d’un aspect correct et grave.

— Bonjour, monsieur, dit l’étranger, vous êtes bien Willy Podgey ?

— Oui, monsieur, en quoi puis-je vous servir ?

— Je voudrais causer un peu avec vous et vous demander quelques renseignements.

— Sur cette ferme ?

— Ne la quittez-vous pas ?

— On m’en chasse, répliqua Willy d’une voix sourde.

— Le sort de l’homme attaché à la terre est intolérable en ce pays, dit l’étranger.

— Ah ! oui, bien malheureux ; nous n’avons ni avenir ni sécurité.

— Vous dites vrai, mon ami, fit le monsieur en s’asseyant près de Willy et de son fils ; pourtant sans sécurité et sans avenir un homme ne peut vivre, il gémit dans l’esclavage.

— C’est notre sort, répondit Tomy.

— À votre âge, jeune homme, je ne comprends pas que vous subissiez une loi si dure.

— Que faire, monsieur, pour m’y soustraire ?

— Lutter contre les difficultés et vous créer une position meilleure.

— Vous savez bien, monsieur, que c’est impossible, notre pays n’offre par l’intelligence et le travail aucune perspective à un pauvre diable comme moi.

— Pourquoi ne pas demander à une autre contrée ce que votre ingrate patrie vous refuse ?

— Comment cela ?