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— Pour Ketty ? dit-elle.

Tomy comprit en ce moment combien était odieuse leur conduite à l’égard de ce pauvre être inoffensif.

— Oui, pour Ketty, répondit-il ; il faut la soigner comme une autre ; si tu veux m’être agréable, ma chère sœur, tu t’en occuperas.

— Je le ferai, frère, répondit Susy, qui aimait pardessus tout Tomy, dont elle était aussi la préférée.

Le jeune homme sortit ; ce bon mouvement avait produit un certain apaisement dans son âme, il se sentait moins malheureux en se rendant à son travail.

Il évita de passer le soir devant la prairie où se trouvait Colette, il ne la revit pas pendant huit jours.

Ketty se remit, grâce aux soins de Susy. Tomy ne la maltraitait plus, il empêcha même sa mère de la battre. Avec l’intuition des êtres souffrants, la petite fille sentit ce changement dans les manières de son frère à son égard et la frayeur qu’elle avait d’abord montrée à sa vue s’effaça rapidement.

La misère devenait chaque jour plus grande pour la pauvre famille ; le désespoir fut à son comble lorsque le bailli fit signifier à Willy Podgey qu’il était mauvais payeur, que la ferme ne rapportait pas suffisamment en ses mains et qu’il eût à chercher une position ailleurs.

Que devenir ? Louer une autre ferme ? c’était impossible. Une morne douleur régnait dans la chaumière.

— Notre seule ressource est d’aller mendier ou mourir de faim au bord d’un chemin, disait Jenny en pleurant.

Les enfants sanglotaient. Tomy, silencieux et triste, se demandait ce qu’il pourrait faire pour sa famille.

Le moment approchait où les Podgey devaient quitter leur cottage ; Willy, malgré toutes ses tentatives, ne trouvait pas à s’occuper ; Tomy n’avait plus de journées, ni l’espoir d’en avoir.