Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 34 —

Il atteignit enfin la route et aperçut le toit de chaun de sa demeure. À cette vue, le calme se fit dans ses sens, il se retourna, il ne vit plus rien.

— Je ne repasserai jamais le soir par cet endroit fit-il. Ketty ! Que vais-je dire ? Personne n’en saura rien, elle aurait pu tomber dans l’étang en jouant ; après tout c’est un débarras pour la famille et je ne l’ai pas fait exprès.

Quand on le vit entrer, pâle, défaillant, ses vêtements déchirés, le visage meurtri, les mains en sang, sa mère s’élança vers lui.

— Tomy, mon fils, qu’est-il arrivé ?

— Calme-toi, ma mère.

— Mais d’où viennent ses blessures ?

— Je me suis attardé, j’ai traversé le bois qui borde l’étang ; sans ma force et mon courage, je n’en serais jamais sorti.

— Tu as été attaqué ? demanda le père.

Tomy pâlit davantage encore.

— Je ne saurais dire le nombre de mes ennemis, mais voyez en quel état je suis sorti de leurs mains.

— J’ai toujours dit, mon fils, reprit Jenny, qu’il y avait danger à traverser ce bois à la nuit, il est mal fréquenté, sans parler des revenants.

Personne ne s’informa de ce qu’était devenue la petite Ketty ; quand elle ne rentrait pas à l’heure du repas, sa maigre portion ne lui était pas réservée. Plus d’une fois, elle avait passé la nuit dans une grange sans qu’on s’en occupât ; on exprimait seulement le regret de la voir revenir.