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— Colette, disait-il en essayant de fixer l’attention de la jeune fille, ce n’est point sans raison qu’on vous appelle la linotte du Greenish ; mais si votre tête est légère, votre cœur est bon.

— Monsieur William Pody, répliqua Colette en se fâchant, pourquoi recherchez-vous pour femme une fille étourdie, une tête de linotte ?

— Je n’ai pas voulu vous offenser, Colette, vous savez que personne ne vous apprécie autant que moi.

Un autre groupe se rapprocha des jeunes gens et le bruit des voix se confondit. Tomy ne put désormais suivre leur entretien, mais il ne les perdit pas des yeux. Colette boudait son compagnon, celui-ci s’épuisait en protestations tendres, afin de vaincre le ressentiment de la jeune fille. Sans doute il y parvint, car on entendit bientôt les frais éclats de rire de Colette.

À l’entrée d’un chemin aboutissant à la route, on s’arrêta ; la jeune fille dit à William qu’elle allait rentrer à son village avec les autres personnes qui l’accompagnaient. Il fit mine de vouloir la suivre, elle refusa.

Le jeune homme prit sa main et la serra tendrement.

— Au revoir, Colette, dit-il.

Elle prononça quelques paroles que Tomy n’entendit pas, mais la brise perfide lui apporta ces mots :

— À demain, Will, venez trouver mon père.

Tomy crut voir, peut-être était-ce sa vue qui se troublait, Colette poser deux doigts sur ses lèvres roses et envoyer un baiser à William qui la regardait s’éloigner.

Tous les gens de la noce se dispersèrent, les uns chantant gaiement, excités par de copieuses libations, les plus jeunes causant ou rêvant, car plus d’un emportait en son cœur un souvenir heureux.

Tomy, resté seul sur la route que les ombres du soir commençaient à envelopper, était en proie à une rage indicible, il se demandait s’il n’allait pas s’élancer sur