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rentraient de la noce, il se plaça derrière un buisson pour n’être pas vu en si pauvre tenue.

Plusieurs groupes passèrent. Un peu à l’écart venait Colette au bras de William Pody.

Tomy eût voulu écraser sur place son rival.

« Ah ! se dit-il, il l’a vue toute la journée, il lui a parlé, comme ils paraissent d’accord ! William rayonne de joie et Colette est plus jolie que jamais. »

Rampant derrière la haie, le jeune homme arriva près de l’endroit où William et Colette étaient arrêtés. De là, il pouvait tout entendre, sans être vu. Le procédé n’est point très délicat ; mais qui oserait affirmer qu’à sa place il n’en eût pas fait autant ?

— Colette, disait le jeune homme, votre père m’a autorisé à vous parler comme je le fais ; il m’a dit ce matin même : William, mon garçon, je n’ai pas d’objection à faire à ton projet ; si la fillette y consent, reviens me trouver. — C’est bien parlé cela, ai-je répondu. Père Buckly, je suis reconnaissant de votre accueil, j’aime Colette depuis longtemps, j’ai du bien, je serai pour elle un mari dévoué et pour vous un bon fils ; vous me connaissez, William Pody n’a pas mauvaise renommée dans le pays. — Non, m’a-t-il dit, tous mes vœux sont pour toi, épouse ma fille, j’en serai content ; je la verrai avec plaisir débarrassée des obsessions de ce gueux de Tomy Podgey.

Un froissement se fit dans le feuillage.

— Qu’est-ce que cela ? dit Colette effrayée.

— Une couleuvre peut-être, n’y faites pas attention et répondez-moi.

— Rien ne presse, William, et nous avons le temps d’y penser.

— Ce n’est pas une réponse, fit le jeune homme.

— Il faudra pourtant vous en contenter, répartit la fillette en accompagnant ces paroles d’un frais éclat de rire.