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elle me serre un peu, il est vrai, mais elle me va encore. William me prêtera le chapeau que son parrain lui a donné à Noël, ma bonne petite Susy a lavé et repassé mon pantalon de toile jaune, elle a mis à ma taille le gilet de noce de mon père, avec cela et ma veste bleue, je serai aussi beau que William Pody.

Jenny baissa la tête en soupirant.

Tomy commença sa toilette.

— Je voudrais bien t’emmener avec moi, Susy, dit-il en embrassant sa sœur ; plus tard, je l’espère, je pourrai te faire élégante et tu iras t’amuser ainsi que les autres jeunes filles de ton âge.

— Ma mère, qu’as-tu donc à pleurer ?

— Rien, mon fils.

— Ne dirait-on pas que je vais à un enterrement. Susy, ma mignonne, prends ma veste dans l’armoire que je la brosse avant de m’habiller.

La fillette courut à un vieux bahut où s’entassaient quelques vêtements, elle chercha mais ne trouva pas la veste bleue à boutons brillants.

— Tomy, où l’as-tu mise ?

— Dans cette armoire.

Susy chercha encore.

— Je ne trouve que ta vieille jaquette brune.

— Demande à notre mère.

Jenny continuait à pleurer.

— Mère, qu’est devenue ma veste ? fit Tomy avec inquiétude.

— Tomy, pardonne-moi, tu sais notre pauvreté, dix personnes à nourrir, l’autre jour…

— Tu l’as vendue !…

— Hélas ! il ne nous restait plus rien à mettre en gage, tous mes vêtements y ont passé depuis longtemps, ma bague de noce n’est plus à mon doigt.

— Combien l’as-tu vendue, mère ? demanda Tomy d’une voix éteinte.