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sœur, vêtue de ses vieux vêtements fanés, ferait triste figure à la noce.

— Vous n’êtes pas décidément un compagnon agréable, reprit Colette avec une moue significative ; heureusement que samedi William Pody sera de la fête.

Tomy la regarda avec une expression de dépit.

— Je vaux bien William Pody, fit-il.

— Lui au moins est gai et aimable.

— C’est qu’il est heureux, Colette.

— Eh ! mon Dieu, il a aussi ses soucis, mais il n’a pas l’air comme vous de s’en prendre à l’humanité. Nous voici arrivés, bonsoir Tomy, à samedi.

Les jours suivants, le jeune homme continua à passer devant la prairie où Colette filait en gardant son chapeau, il lui souhaitait le bonsoir, causait un moment et, pour ne pas s’attirer les railleuses épigrammes de la jeune fille, il reprenait sans s’en apercevoir son humeur d’autrefois.

Le samedi matin, Tomy, qui depuis huit jours ne rêvait qu’à la noce de Patrick Yenky, ou plutôt au plaisir d’y rencontrer Colette et d’être son cavalier pendant la durée de la fête, voulut s’habiller de son mieux.

— Tu tiens bien à aller à cette réunion ? lui demanda sa mère.

— Oui, j’ai promis d’y assister.

— C’est de son âge, dit le père.

— Les plaisirs ne sont pas pour les pauvres gens, reprit la mère.

— Il faut bien que les jeunes se distraient, ajouta le paddy.

— Songe donc, mon fils, que les autres seront bien vêtus et que toi tu n’as rien de beau à mettre.

— Mais si, ma mère, j’ai ma veste neuve d’il y a trois ans que je n’ai presque pas portée.

— Elle serait trop étroite pour toi, mon ami.

— Non, ma mère, je l’ai essayée la semaine dernière,