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me d’une voix indignée. Si c’était tout ce que vous aviez à me dire, il ne valait pas la peine de m’arrêter.

La jeune fille, rieuse comme on l’est à son âge, s’amusait fort de la colère de son ami Tomy.

— De grâce, quittez cet air tragique, il n’est pas besoin d’être toujours morose parce que vous avez manqué un jour de devenir riche, s’écria-t-elle.

Cette réflexion fut loin d’amener le calme sur la figure du jeune homme.

— Décidément, reprit Colette, qu’avez-vous donc perdu ? beaucoup de folles espérances, mais votre situation n’est pas changée. À votre âge, Tomy, on a plus d’énergie, on travaille et quand les soucis viennent, on leur rit au nez.

— Vous en parlez à votre aise, Colette ; notre condition est bien malheureuse, le travail est rare et la vie si difficile.

— Allons, pour chasser vos idées noires, Tomy, aidez-moi à faire rentrer mes vaches.

Le jeune homme obéit ; chemin faisant la conversation devint plus amicale, Tomy et Colette se connaissaient depuis l’enfance, mais la pauvreté et les préoccupations de sa famille enlevaient à Tomy le goût de se mêler à la jeunesse du pays, aussi vivait-il très isolé.

— Viendrez-vous samedi à la noce de Patrick Yenky ? On dansera, il y aura beaucoup de plaisir.

— Y serez-vous, Colette ?

— Certainement.

— J’irai, reprit Tomy.

La fillette sourit avec satisfaction.

— C’est bien, nous allons redevenir amis comme autrefois. Emmenez votre sœur Susy, je l’aime beaucoup, je serai enchantée de la voir.

— Je ne crois pas que Susy vienne.

— Pourquoi ?

Tomy secoua la tête sans répondre ; il pensait que sa