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Tomy était satisfait ; son caractère se modifia tout à coup, il devint moins brusque, moins maussade, son visage même commença à perdre cette expression sauvage qui le rendait déplaisant.

Qu’était-il donc survenu dans sa vie ?

En le suivant à son retour du travail, nous aurons le mot de cette énigme.

Un soir, après la journée terminée, Tomy revenait lentement au logis ; plongé dans ses mélancoliques réflexions, il marchait la tête baissée, sans regarder les gens qui passaient près de lui, quand il s’entendit interpelé par une voix jeune et gaie.

— Holà ! maître Tomy, vous passez fièrement, on dirait que vous ne connaissez personne ?

Le jeune homme le va la tête et répondit en souriant :

— Bonjour, Colette, je ne vous voyais pas.

— Je crois bien, vous regardiez en dedans.

Celle qui parlait ainsi était une belle jeune fille de seize ans, blonde, fraîche, au regard vif, au franc sourire. Elle était appuyée à la barrière d’une prairie où plusieurs vaches pâturaient l’herbe épaisse.

— À quoi pensiez-vous donc, Tomy ? demanda malicieusement la jeune fille.

— Il serait gracieux de vous dire, Colette, que je pensais à vous, mais, en vérité, mes réflexions ont rarement un si aimable objet.

— Voilà un compliment singulièrement tourné, fit la jeune Irlandaise en riant aux éclats.

Tomy n’était pas adroit, en effet, il rougit et balbutia :

— Quand on est malheureux, les jeunes filles se moquent de vous.

— Ne vous fâchez pas, maître Tomy, dit Colette en reprenant à grand-peine son sérieux.

— Riez, Colette, ne vous gênez pas, fit le jeune hom-