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l’égard de l’indigne Irlande qui a toujours répondu par la rébellion aux mesures bienveillantes du gouvernement britannique.

— C’est un mensonge, cria William qui était dans un état d’exaltation facile à comprendre ; vous êtes des tyrans, des monstres et vous vous plaignez que vos victimes ne baisent pas la main qui les frappe. Sans le joug injuste qui pèse sur l’Irlande, ma fiancée n’eût pu être arrêtée, et cette crainte ne l’eût pas forcée à fuir, à m’abandonner. C’est vous, détestables Anglais, qui avez causé mon malheur, je vous maudis, je voudrais vous voir tous anéantis dans ces flammes, pendus à tous les arbres de la montagne. Périsse votre race de traîtres ! disparaisse à jamais le dernier des Anglais !

— Mon commandant, cet homme est fou, faut-il l’arrêter ? demanda un officier.

— Non, nous n’avons aucune autorité sur lui, lord Sulton en décidera ; sans cela, croyez-vous que je ne lui eusse pas déjà cassé la tête d’un coup de mon revolver ?

— Faites-le, monsieur, je ne tiens plus à la vie ; mais ma mort vous coûterait cher et la cruauté anglaise est assez froide pour savoir calculer.

William était en proie à une véritable démence ; il avait ce jour-là accompli un acte odieux contre lequel protestait sa conscience et un premier crime en avait amené d’autres ; sa main égarée avait versé le sang du bienfaiteur de sa famille, de l’homme qui lui avait accordé un si généreux pardon, du vénérable centenaire que le temps avait respecté. Et ce noble jeune homme qui s’était sacrifié pour sauver Colette, il l’avait reconnu, c’était le proscrit qui lui avait un soir épargné la vie ; et ces malheureux, innocents pour la plupart, qui expiraient, asphyxiés ou brûlés, dans d’atroces douleurs, c’était encore lui qui les faisait mourir. Que