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Des cris de joie saluèrent cette proposition.

Aussitôt les soldats réunirent des branchages, des herbes, des lianes et les poussant en monceaux devant eux pour se garantir, ils pénétrèrent très avant dans la caverne et en fermèrent toutes les issues ; quand ils eurent rempli un espace assez considérable, ils y mirent le feu. La fumée et les flammes s’engouffraient sous les voûtes profondes et l’écho répétait le bruit saccadé des crépitements de l’incendie ; on eût dit les plaintes et les gémissements des victimes expirant d’une horrible mort.

William savourait les délices de la vengeance, ce plaisir des dieux, suivant les préceptes du paganisme ; il eût voulu jouir de la vue du supplice de son heureux rival ; la pensée même de Colette n’attendrissait pas son âme cruelle, il souriait d’une joie diabolique, il excitait l’ardeur des soldats, il apportait au feu des éléments.

— Morbleu ! vous n’êtes pas tendre, fit un officier en s’adressant à William. Je comprends que cette belle jeune fille vous ait préféré un autre mari ; oui, ma foi, personne ne peut l’en blâmer.

— Vous vous trompez, monsieur, répliqua Cody d’une voix sourde ; je ne suis pas méchant, c’est sa trahison qui m’a rendu mauvais. Agiriez-vous mieux, si vous aviez le cœur plein de haine et de désirs de vengeance ? Dites, vous montreriez-vous plus clément ? Ce n’est pas un Anglais qui a le droit d’accuser de cruauté un malheureux égaré par la douleur. Que vous ont fait ces Irlandais que, depuis des siècles, vous torturez sans pitié ; vous ont-ils enlevé vos fiancées, ont-ils détruit votre bonheur, votre honneur, votre vie ?

— Assez, jeune homme, interrompit froidement le commandant, vous n’avez aucun titre pour instruire le procès des Anglais ; nous avons fait ce que nous devions, notre indulgence a été souvent trop grande à