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vivement attachée à elle et ne la quittait pas, trouvant toujours près d’elle un accueil affectueux auquel la pauvre enfant n’était point accoutumée. Le visage de Ketty s’était transformé à son avantage ; un air meilleur, une nourriture moins insuffisante et surtout les soins de Colette lui avaient donné la santé et la gaieté qui font le charme de l’enfance. Le bon cœur de Colette avait été ému du délaissement et de l’injustice dont souffrait Ketty, elle avait accordé généreusement sa sollicitude et sa tendresse à la petite fille abandonnée ; elle en était payée par un attachement sans bornes de la part de l’enfant. Quand Ketty fixait sur la jeune femme le doux regard de ses grands yeux bleus, on comprenait tout ce que l’influence d’une bienveillante affection avait éveillé dans l’âme de l’enfant de bons sentiments, d’intelligence et de joie.

— Tomy, reprit Colette en présentant la petite fille à son mari, je veux adopter Ketty, ce sera l’aînée de nos enfants si Dieu nous en envoie d’autres. Je veux qu’elle soit heureuse, e ne veux plus qu’elle soit soumise à la dure existence qui lui a été faite dans votre famille. Ketty m’aime, ce serait briser sa jeune existence que de la séparer de moi qui ai seule éprouvé pour elle de l’affection. N’est-ce pas, ma mignonne, ajouta Colette, tu veux bien devenir ma fille ?

Ketty jeta ses bras autour du cou de la jeune femme et la supplia de ne pas la quitter.

Tomy regardait avec émotion Colette et sa jeune sœur, elles formaient un si gracieux tableau ! Il prit la petite fille et l’embrassa avec tendresse.

— Ne crains rien. Ketty, dit-il, je ne te séparerai pas de Colette, je sais trop que, lorsqu’on l’aime, il n’est plus possible de la quitter.

La jeune femme tendit la main à son mari et le remercia d’un sourire qui eût payé le plus grand sacrifice.