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plus heureux des hommes ? Colette, dites-moi que vous ne regrettez rien.

— Tomy, je vous aime, je vous suivrai là où il vous plaira de me conduire ; mais ne vous offensez pas s’il reste au fond de mon cœur le regret de ne pas voir près de moi, en ce jour, ma famille qu’hélas ! je ne reverrai plus.

— Ne pensez pas à cela, ma chérie, reprenait doucement Tomy, dans quelques années nous serons riches et vos parents seront peut-être satisfaits de venir nous rejoindre.

Colette souriait et tous deux se laissaient aller à de beaux rêves. Le ciel était si pur, l’air si doux, les rayons du soleil doraient si brillamment la surface du lac immense, sur les bords duquel les joncs flexibles racontaient aux plantes aquatiques de mystérieux secrets.

Byron définit la vie : un balancier oscillant toujours entre une larme et un sourire. Le regret et l’espérance se partagent le cœur de l’homme, l’avenir charme par ses promesses et l’illusion calme l’amertume du passé. Tel était le bonheur de la jeune femme dont chacun admirait la beauté ; l’ombre de mélancolie répandue sur ses traits lui donnait une grâce de plus.

— Tomy, reprit Colette après un instant de silence, il est une chose que je voudrais obtenir de vous aujourd’hui.

— Commandez, ma bien-aimée, je n’ai rien à vous refuser. Ma joie n’est-elle pas de satisfaire tous vos désirs ? Je voudrais avoir la puissance, la richesse, la gloire pour les mettre à vos pieds.

— Je n’ai pas tant d’ambition, fit la jeune femme en souriant, votre affection me suffit et je serai heureuse de vivre d’une vie simple et obscure auprès de vous.

— Que désirez-vous donc, Colette ?

La jeune femme avait attiré dans ses bras la petite Ketty qui, depuis son arrivée dans la montagne, s’était