Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 205 —

dre votre amour durable. Soutenez-vous mutuellement dans les difficultés de la vie. Le malheur a de bonne heure frappé vos âmes, un horizon plus vaste, éclairé par l’espérance, s’ouvre devant vous dans une contrée lointaine où vous allez chercher l’indépendance et le bonheur ; enfants de Dieu, n’oubliez pas la foi de votre baptême ; pratiquez la piété et toutes les vertus chrétiennes qui sont le fondement du vrai bonheur et nous assurent une félicité sans fin. »

Les mariés, les yeux humides de larmes, écoutaient la parole vénérée du pasteur et faisaient, dans la sincérité de leurs âmes, le serment de ne jamais trahir les engagements de ce jour béni.

Leur retour à la montagne fut l’occasion d’une véritable fête ; les habitants des cottages accoururent portant des couronnes de verdure et de fleurs, les contrebandiers eux-mêmes avaient préparé une réception digne de Colette. Des coups de fusil furent tirés en signe de réjouissance, la salle du conseil ornée de mousse, de fleurs était disposée pour le festin auquel tous les habitants étaient conviés. Des gibiers de toutes sortes, des poissons, des laitages, des fines galettes d’avoine, des pommes de terre, du pain de froment, puis de l’ale et du whiskey composèrent un repas comme jamais aucun des convives n’en avait fait. Des jeux, des danses, le soir des feux allumés sur les montagnes se prolongèrent très avant dans la soirée. Les proscrits oubliaient pour un jour leur dure condition et se réjouissaient sans souci du lendemain.

Tomy ne pouvait croire à son bonheur.

— Colette, ma femme bien-aimé, disait-il, que l’avenir est plein de mystère et que l’homme a tort d’accuser la Providence quelle que soit la voie où elle le conduit. Qui m’eût dit le jour où chassé, révolté, désespéré, je vous disais un dernier adieu, qui m’eût dit que ce malheur allait nous rapprocher et me rendre le