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La semaine suivante, William fut informé que sa Seigneurie était de retour et le demandait sans délai.

Le jeune homme se rendit au château ; il n’avait jamais franchi le seuil de cette somptueuse demeure réservée au maître qui jouissait de tous les raffinements du luxe, tandis qu’au tour de lui l’affreuse misère tordait sous sa dent cruelle des milliers d’infortunés.

Il n’existe peut-être pas au monde de parcs qui puissent être comparés pour l’immensité et la richesse à ceux des riches landlords anglais en Irlande. Les terres leur ayant été libéralement départies à l’époque des confiscations des biens des catholiques, ils ont pu consacrer à leur fantaisie des étendues considérables. Des montagnes et des vallées, des coteaux et des plaines sent souvent enclavés dans ces vastes enceintes. À l’entour la nature est triste, stérile et nue ; là elle est verte, fleurie, pleine d’enchantement.

Le parc de Greenish méritait d’être cité pour ses belles proportions et son ornementation. Un lac aux eaux bleues s’alimentait d’un abondant ruisseau descendant des hauteurs ; les plantations avaient l’ampleur d’une forêt ; toutes les curiosités naturelles et factices étaient réunies pour le plaisir des yeux : cascades, cours d’eau, îlots de verdure, rochers, grottes, ponts rustiques, kiosques variés, allées ombreuses, pelouses verdoyantes, parterres fleuris, et au sein de ces merveilles un élégant château gothique que de récentes réparations avaient un peu modernisé.

Lord Georges Sulton se promenait grave et soucieux sur la terrasse de son palais, il pensait aux tristes événements qui avaient porté le deuil dans sa famille et méditait les mesures à prendre pour en prévenir le retour.

Le nouveau landlord était un homme de trente-six ans, grand, mince, blond, assez beau et distingué, de