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parents de Colette qui attendaient anxieusement les résultats de sa démarche.

— Eh bien ! fit Buckly en voyant la figure assombrie du jeune homme, vous n’avez pas obtenu la grâce de Colette ?

— De semblables juges, il n’y a à attendre ni clémence, ni justice.

— Cependant Colette est innocente.

— Ils veulent qu’elle soit coupable, elle le sera.

— Notre fille est perdue, nous ne la reverrons plus, gémit la mère.

— Non, reprit William, j’ai le moyen de la sauver.

— Alors agissez au plus vite.

— Je ne peux rien avant le retour du landlord, c’est à lui que je parlerai.

— Croyez-vous qu’il vous écoutera ?

— Soyez sans crainte, je suis sûr d’obtenir l’attestation de l’innocence de Colette et son retour.

— Dieu vous bénisse, William ! fit la mère avec reconnaissance.

Le jeune homme sourit amèrement et prenant congé des Buckly, il partit pour Cork triste, découragé, l’âme bourrelée de remords. Pendant les huit jours qui s’écoulèrent jusqu’à l’arrivée de lord Sulton, il hésita plus d’une fois ; au milieu des cauchemars de ses nuits tourmentées, d’étranges fantômes lui apparaissaient ; le solitaire de la montagne se dressait devant ses yeux, maudissant le petit-fils du traître, traître à son tour ; il s’éveillait haletant, les membres baignés de sueur et il chassait de son esprit les spectres sinistres ; il se rendormait et dans un rêve plus calme, il revoyait Colette, si belle, si douce, sa fiancée bien-aimée qui dans peu de jours allait devenir sa femme ; il souriait à cette douce vision ; puis paraissait près d’elle l’image détestée de Tomy et l’infortuné reprenait tous ses sentiments de vengeance.