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Le jeune homme était tombé dans une complète prostration ; debout, la tête baissée, comme un coupable devant son juge, il se tenait immobile, les traits crispés par la douleur. Sir Welson, revenu de son trouble, l’examinait en se frottant le menton, geste qui lui était familier dans ses moments de réflexion.

— Eh bien, jeune homme, reprit-il de sa voix mielleuse, nuancée d’ironie, vous plairait-il de nous montrer cette clef mystérieuse qui vous permet de traiter avec nous de puissance à puissance ?

William jeta au magistrat un regard qui fit pâlir celui-ci ; le Révérend étendit la main pour toucher le timbre, le jeune homme l’écarta.

— Cette clef, dit-il, c’est ce que toute votre police ne vous permet point de trouver, c’est la retraite des vrais coupables, des assassins de lord Sultan.

Le magistrat tressaillit.

— Comment la connaissez-vous ?

— Peu importe, je possède ce secret, et voilà ma puissance, Révérence, et si je l’offrais à sa Seigneurie en échange de la vôtre, croyez-vous qu’elle refuserait ?

— Vous ne ferez pas cela. Je ne vous ai nullement offensé ; j’ai écouté vos justes plaintes et s’il n’avait tenu qu’à moi, ma bienveillance est connue de tous.

— Il faut penser que sa Révérence est méconnue, car ses administrés ne la jugent pas si favorablement, répliqua durement le jeune homme heureux de faire expier à sir Welson le mal qu’il le forçait à faire.

Celui-ci sentit l’injure, mais il se contint et ne se départit pas de son ton doucereux.

— Jeune homme, dit-il, votre conduite est digne d’éloges, vous vous faites l’auxiliaire de la justice.

— Non, reprit William, je me soucie peu de la justice ; si elle existait ici, l’innocence triompherait sans le secours d’une dénonciation.

— La justice a besoin parfois d’être aidée, mon jeune