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Le Révérend se leva, son visage placide s’était couvert d’une vive rougeur, indice d’une colère prête à éclater.

— Monsieur, dit-il, malgré la mansuétude inaltérable de ma nature et mon ferme désir d’accorder à tous une entière justice, je ne puis tolérer plus longtemps une langage insultant pour mon caractère de magistrat. Ce n’est pas de cette façon que vous obtiendrez l’indulgence en faveur de votre indigne fiancée qui, entre nous, s’est bel et bien laissée enlever par votre rival, sons prétexte de se soustraire à une arrestation préventive, qui eût cessé si elle avait pu prouver son innocence ; je vous déclare, jeune homme, que vous méritez peu la bienveillance de l’autorité.

Certes, si William Pody avait été placé sous la juridiction de sa Révérence, il n’eût pas manqué d’être arrêté comme suspect et les preuves n’eussent point fait défaut pour établir sa connivence avec les assassins, mais le jeune homme savait qu’il ne dépendait pas de sir Welson, d’ailleurs, il avait dans son jeu de forts atouts. William était d’un tempérament violent, difficile à maîtriser ; sir Welson venait de le blesser cruellement par cette insinuation relative à la conduite de Colette à son égard ; abandonnant la réserve qu’il avait montrée jusque-là, il répondit avec emportement :

— Je ferai observer à sa Révérence que je ne sollicite nullement la bienveillance de l’autorité, je n’ai pas qualité pour vous demander une faveur, ni aucun espoir de l’obtenir. Je me présente devant la justice de Greenish, je m’adresse à sa Seigneurie et à votre Révérence, et je dis : Traitons de puissance à puissance…

— Vous êtes fou ! s’écria sir Welson en bondissant lourdement hors du fauteuil où il s’était laissé tomber. C’est un insensé qu’on a introduit près de moi. Il est peut-être dangereux, ses yeux ont un éclat sinistre. Au secours, à moi !