Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 182 —

toute mon âme, afin qu’il vous rende heureux. Que vous faudrait-il donc pour cela, Clary ?

— L’homme sait-il ce qu’il veut ? répondit Clary en s’efforçant de sourire.

— Vous voudriez voir l’indépendance de l’Irlande et rentrer en possession du rang qu’occupaient vos ancêtres ?

— Je donnerais ma vie pour arracher mon pays à la domination qui l’écrase, Dieu m’est témoin que mon patriotisme est pur de tout sentiment personnel. Hélas ! je ne conserve aucune illusion ; l’Irlande est anéantie, on a usé tous les ressorts de cette indomptable énergie. Comment lutter contre la puissante organisation de l’Angleterre ? on l’a essayé en vain. Les Irlandais eussent-ils réussi à s’affranchir un jour, ne seraient-ils pas retombés tôt ou tard sous la domination de leurs terribles voisins ?

Colette, voici Tomy qui vient à votre rencontre.

— Pourquoi ne vous a-t-il pas accompagné ?

— Le chef a craint que son inexpérience ne lui fît commettre une imprudence. Tomy est assez heureux pour laisser à un autre le bonheur de vous sauver.

— Je vous remercie, Clary ; vous êtes un noble cœur.

Tomy accourait avec son père et ses frères. Willy Podgey dit à la jeune fille :

— Ma chère enfant, nous sommes la cause de votre malheur, permettez du moins que nous essayions de l’adoucir ; venez sous notre toit, notre demeure sera la vôtre, ma femme et mes filles vous entoureront de soins et d’affection.

Tomy avait pris la main de Colette.

— Je devrais déplorer ce qui vous arrive, dit-il, et pourtant il m’est impossible de m’attrister en vous voyant parmi nous.

— Cependant, mes amis, reprit Colette, je ne vous cache pas que j’ai le cœur brisé de me voir à jamais