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— Halte ! fit l’un d’eux, il est permis de prendre un peu de repos.

— Et de s’occuper de la blessure de Clary, ajouta la jeune fille.

— C’est peu de chose, Colette ; ne vous inquiétez pas, j’en souffre à peine.

La blessure n’avait, en effet, aucune gravité, mais Clary perdait beaucoup de sang et la fatigue aussi l’avait affaibli ; on pansa sa blessure et un peu de calme le remit.

Colette éprouvait une certaine terreur en se trouvant la nuit au fond de ce défilé, au milieu de ces hommes inconnus au visage farouche ; la présence de Clary la rassurait.

Au sortir du défilé un coup d’œil splendide s’offrit aux yeux de la jeune fille. L’astre des nuits semblait régner en maître dans cette vaste solitude. Brillante comme un globe de feu, la lune reposait mollement sur un lit vaporeux de petits nuages satinés qui se doraient de l’éclat de ses rayons ; des myriades d’étoiles charmantes fleurs de la nuit, scintillaient sur la voûte azurée, se reflétant sur le vaste lac qui dormait au fond du vallon ; les sommets des montagnes vivement éclairés dessinaient leurs bizarres festons, tandis que les ténèbres s’étendaient à leurs pieds ; des feux allumés çà et là annonçaient la présence des habitants.

Colette regardait ce beau spectacle, malgré sa tristesse elle ne pouvait s’empêcher de l’admirer. Les Irlandais ont l’esprit enclin à la poésie, c’est un peuple chez lequel le merveilleux tient beaucoup de place ; on y conserve encore les légendes du passé, les bardes y ont longtemps occupé un rang à part.

Après la chute du druidisme, le barde conserva en Irlande le prestige qu’exerce toujours le poète chez un peuple enthousiaste, avide de chants et de poésie. Les sublimes croyances du catholicisme ajoutèrent, pour