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ce te guérira de tes généreuses folies. En attendant, je ne veux pas que cette pauvre enfant soit victime des services qu’elle nous a rendus, j’irai plutôt moi-même l’arracher à la justice ; il faut la prévenir et lui offrir un asile dans la montagne jusqu’à ce que son innocence soit proclamée. Tomy Podgey, ta famille consentira sans doute à recevoir cette jeune fille ?

— Oh ! oui, répondit-il, et je me charge de la prévenir.

— Non, je me défie d’un amoureux, ton imprudence t’a déjà exposé à de grands dangers ; Clary, qui a rempli plus d’une mission délicate, réussira mieux que toi.

Tomy n’insista pas, il aurait voulu ne laisser à aucun autre le soin de sauver Colette et de veiller sur elle ; mais le chef ordonnait, il n’y avait rien à dire. D’ailleurs Tomy éprouvait une joie extrême à la pensée que Colette, proscrite à son tour, allait venir vivre près de lui, chez ses parents. Jamais dans ses rêves les plus insensés, il n’avait osé entrevoir un bonheur semblable. La jeune fille désormais ne pouvait épouser William Pody, elle ne rentrerait plus à son village, un sort commun allait les rapprocher, et Colette l’aimait maintenant ; devenue libre, ne consentirait-elle pas à partager sa vie, à le suivre en Australie ?

Le jeune homme, en se rendant au cottage de ses parents, contemplait avec ivresse le tableau de l’existence qui allait devenir la sienne et que son imagination paraît des plus séduisantes couleurs. Les Podgey accueillirent avec empressement la proposition de recevoir Colette ; elle avait sauvé Tomy, il était juste de faire quelque chose pour elle.

Clary, de son côté, se disposa à partir sans retard ; la nuit était venue, le moment semblait favorable. Il choisit quatre montagnards déterminés, en laissa deux à l’entrée du défilé, deux autres au centre des tourbières