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dépouille, que sa mémoire soit exécrée parmi les hommes.

Les bandits poussèrent un formidable grognement, sorte de cri guttural par lequel les Irlandais, comme les Anglais, manifestent leur colère. Quelques hommes cependant restèrent silencieux.

Un grand mouvement se faisait dans la vallée, l’alarme avait été donnée, les habitants couraient au feu. Grâce à cette diversion, les brigands purent regagner la montagne sans être inquiétés.

— Nous sommes chez nous, maintenant, dit Gaspard, nous n’avons plus rien à redouter. Ah ! John Buck va nous servir une fameuse ration de whiskey. Clary, je te conseille cette fois de ne pas faire le dédaigneux, tu as besoin de te remonter, tu es impressionnable comme une femme. Mille morts ! tu m’as causé joliment de l’embarras aujourd’hui !

Le jeune homme dédaigna de répondre, il était pâle, troublé et maudissait le sort qui l’avait placé au milieu de ces êtres pervers.

À l’entrée des cabanes, les aventuriers qui étaient restés attendaient leurs compagnons. Gaspard, d’une voix cynique, leur annonça l’heureuse réalisation de leur complot ; la nouvelle en fut accueillie par des cris de joie et, le verre en main, on célébra la délivrance du pays.

Le sens moral était perverti dans l’âme de ces hommes, arrachés violemment à la vie sociale depuis de longues années et vivant d’une existence aventureuse, isolés, ignorants, privés des douces et salutaires influences de la religion. En proscrivant le catholicisme, en essayant d’arracher du cœur de l’Irlandais le germe de la foi, l’Angleterre n’a pas compris qu’elle travaillait à sa propre perte, car s’il était possible d’enlever la notion de Dieu à ce peuple qui souffre, il se