Page:Arvor - Dent pour dent, scènes irlandaises, 1906.djvu/165

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 163 —

— Me rendras-tu ma femme et mon enfant morts de misère pair ta faute ?

— Pardon, murmura l’Anglais.

— Il n’y a pas de pardon, répliqua durement le brigand ; quinze années j’ai attendu l’heure de la vengeance, j’ai compté tes crimes, j’ai vu couler le sang de tes victimes, j’ai recueilli leurs plaintes et leurs suprêmes malédictions. Le moment est venu, lord Sulton, il n’y a pas de pardon pour toi.

— Tomy Podgey, ajouta le chef, approche-toi.

Le jeune homme tremblant sortit des rangs. Gaspard reprit son rôle d’accusateur.

— Lord Sulton, tu vois ce jeune homme ? Il y a vingt ans, il est plein de sève, d’intelligence, de générosité ; eh bien ! grâce à toi, il est réduit à vivre en aventurier dans la montagne. Son père avec ses huit enfants est proscrit pour n’avoir pu payer son misérable fermage et s’être laissé aller, dans un moment de désespoir, à résister à tes agents. Tomy avait été condamné à être pendu pour avoir incendié son cottage, un coup de main l’a arraché à la mort. Irlandais, il ne peut reparaître au grand jour en Irlande ; homme, il n’a plus d’avenir, plus de bonheur, plus rien à espérer dans la vie. Le témoignage que porte Tomy Podgey, cent autres peuvent le rendre. Camarades, parlez.

Les bandits s’avancèrent successivement et d’une voix menaçante accusèrent leurs griefs. L’un dit :

— Tu m’as fait battre de verges et je n’ai échappé à la mort que par la fuite, sois maudit !

Un second :

— Tu m’as chassé de la chaumière où j’étais né, tu as fait de moi un vagabond et un brigand, sois maudit !

Un autre :

— J’ai vu autour de moi mourir par la famine mes enfants et mon vieux père ; en vain comme des ombres gémissantes, les infortunés se sont traînés sur ton pas-