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vous voulez faire est un acte odieux qui attirera sur vos têtes de terribles représailles.

— Ces menaces ne m’effraient pas, lord Sulton, elles n’ajouteront rien au malheur des Irlandais ; innocents ou coupables, leur sort est le même. Tyran exécré, tu as bu à flots les pleurs de tes victimes, tu as ri de leurs gémissements, des angoisses de leur agonie. Tu les as livrés sans pitié a la faim, à la mort, tu as recueilli leurs dépouilles. Que t’avaient fait ces hommes que tes gens ont tués cruellement et sans motif l’autre jour ? Que t’avait fait cette pauvre vieille femme que les constables ont assassinée devant sa cabane en flammes ?

— Ce n’est pas moi, je n’avais point donné cet ordre, reprit le landlord.

— On sait que les excès de ce genre restent toujours impunis.

— J’ignorais ces détails, je ferai une enquête et je vous promets de châtier sévèrement ceux qui ont agi ainsi.

— Tu n’en ferais rien. Il est trop tard, tes crimes ont comblé la mesure, tu es à ma merci.

— Qui êtes-vous donc ?

— Qui je suis ? Regarde-moi.

Gaspard se plaça devant le seigneur le visage en pleine lumière ; la lune, entourée d’un cercle de nuages paraissait suivre attentivement les détails de ce drame étrange ; une forte brise agitait les branches des arbres qui semblaient frissonner d’horreur.

— Je suis Gaspard, le fameux brigand que ta police recherche depuis quinze ans et dont la tête a été estimée à cinq livres sterling, ajouta le proscrit en ricanant. M’as-tu oublié, lords Sulton ? Si le nombre de tes victimes ne te permet pas d’en conserver le souvenir, je vais te rafraîchir la mémoire.

— Je me rappelle, fit le landlord en tressaillant. Gaspard, j’ai eu tort, je réparerai le mal que je vous ai fait.