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France en se rendre en Espagne, profitez-en donc pour quitter l’Irlande.

— Il faudrait de l’argent et nous n’en avons pas.

— Je vous donnerai le peu que j’ai, la traversée n’est point longue, le capitaine est bon enfant, on obtiendra qu’il vous prenne avec votre famille. N’est-ce pas un excellent projet ?

— Oui, sans doutes, mes parents l’accepteraient.

— Et vous ?

— Je ne veux pas quitter le pays.

Clary haussa les épaules.

— Vous regretterez ce que vous refusez, mon cher ami.

Le capitaine mit à la voile le lendemain matin et les montagnards, ayant chargé leurs barils sur les poneys qu’ils avaient amenés pour cet usage, prirent congé de leurs hôtes.

— Reviendrez-vous bientôt ? demanda Lizzy s’adressant à Clary.

— Avec l’existence incertaine qui est la nôtre, nul ne peut dire qu’il reviendra, répondit le jeune homme.

— Par saint Patrick ! s’écria le marin, on ne se quitte pas sur de si tristes paroles ; vous êtes lugubre, Clary, on dirait que vous avez toujours devant les yeux le spectre des O’Warn.

— Je l’ai vu la nuit dernière.

La jeune fille s’approcha de lui.

— Clary, c’est qu’un danger vous menace ; ne retournez pas à la montagne, restez ici, le malheur ne viendra pas vous y chercher.

— Enfant, que craignez-vous ? Le génie protecteur de ma famille n’annonce pas toujours un malheur. Non, Lizzy, je suivrai ma voie, le dernier des O’Warn ne doit pas s’endormir dans un lâche repos.

La jeune fille soupira longuement.