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écarter de sombres pensées, et, prenant le bras de son ami, il le ramena près de leurs compagnons. Parmi eux se trouvait un homme fort et vigoureux, au visage énergique, au teint halé, un véritable pêcheur.

— Bonjour, Gibs, dit Clarv, voici un nouveau camarade.

Le marin rejeta en arrière son bonnet fourré, examina Tomy et dit avec un gros rire :

— C’est bien jeune pour être déjà un gibier de potence. Ah ! ah !

Tomy se redressa.

— Faut pas vous offenser, mon petit ; dans notre pays les gibets sont souvent fréquentés par les honnêtes gens, il n’y a pas de déshonneur de les avoir approchés. Morbleu ! n’êtes-vous pas tous hors la loi ?

— C’est vrai, répondit le jeune homme, sans mes braves amis, j’aurais été pendu.

— Vous voyez bien que j’ai deviné juste. Ah ! ah ! vous avez senti la corde. On dit que c’est une jouissance d’être pendu, hein ! qu’en pensez-vous ?

— Je ne suis pas de cet avis, fit Tomy en riant.

— Par saint Patrick, je n’ait point envie d’en essayer. De l’autre côté du canal de Saint-Georges il y a, paraît-il, des gentlemen qui pour se désennuyer s’amusent à se faire pendre. Comment trouvez-vous cela ?

— Ils devraient garder ce plaisir pour eux et ne pas le faire goûter aux Irlandais, dit Clary.

— Pour moi, je ne les crains pas et je suis plus heureux dans mon indépendance qu’un fils de roi. Il est de fait qu’il existe en Irlande des descendants de nos anciens souverains ou de chefs fameux qui n’ont pas une existence aussi fortunée que la mienne.

— Vous avez raison, répartit tristement Clary O’Warn.

— Mes bons amis, dit le marin, venez donc vous reposer à mon habitation, cette longue course a dû ter-