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Robert O’Warn le plus connu d’entre eux, vivait sous le règne d’Élisabeth, époque marquée par de si sanglantes persécutions contre les catholique irlandais, il prit part à la grande insurrection d’Hugh O’Neil, terrible conspiration que le gouvernement anglais désespéra un instant de vaincre et que l’obstination du général espagnol, allié des Irlandais, perdit à la bataille de Kinsale.

Robert O’Warn, la veille de cette bataille qu’il désapprouvait, s’entretenait avec son écuyer Davy, son frère de lait, son compagnon fidèle qui ne le quittait amais et en maintes circonstances avait exposé sa vie pour lui.

— Qu’as-tu, mon ami ? lui disait Robert, toi si gai camarade, je ne t’ai jamais vu triste à la veille d’une bataille.

— Non, cher seigneur, combattre les Anglais ne me cause pas d’amertume, demain au moment de l’action je retrouverai tout mon entrain ; mais ce soir, je ne sais pourquoi de sombres pensées envahissent mon esprit. Cher seigneur, le jour de demain sera le dernier de ma vie.

— Ne dis pas cela, Davy, tu me ferais perdre mon courage.

— Ce serait dommage, seigneur, vous brave entre tous, vous digne descendant de nos chefs respectés. Peut-être demain verrons-nous le triomphe de l’Irlande. Dieu veuille accorder le succès à nos armes.

Robert O’Warn ne se faisait point d’illusion et partageait l’inquiétude de son fidèle compagnon ; le lendemain, il commandait l’avant-garde du corps d’O’Neil, il fit des prodiges de valeur, mais il fut écrasé et obligé de se replier ; Davy tomba mortellement atteint, son pressentiment ne l’avait pas trompé, ce jour fut le dernier pour lui. O’Warn le releva, cherchant sur ses traits un espoir de vie.

— Je vais mourir, cher seigneur, mon frère bien-aimé