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femme, la poussant à coups de pieds et de poings, malgré les efforts de Jack, et l’entraînant dehors ils la jetèrent blessée, presque inanimée, sur un monceau de glace à vingt-cinq pas de la cabane.

Jack s’était élancé près de sa mère, il essayait de la soulever, il l’appelait, il la couvrait de baisers ; l’infortunée ne répondait que par un faible gémissement.

Pendant ce temps, les soudards étaient rentrés dans la cabane pour essayer de disputer au sol, qui l’absorbait, un reste de liqueur ; ils s’abreuvaient comme de véritables brutes.

Le brigadier enleva au foyer plusieurs mottes de tourbe enflammée et les lança sur la fougère qui fit entendre un vif grésillement, accompagné d’une épaisse fumée.

— Ça chauffe, crièrent les constables en se relevant, sortons, les amis. Ah ! ah ! voilà une expédition qui aurait pu être moins agréable !

La flamme s’éleva du toit de chaume, Jack et sa mère poussèrent un cri, leur cabane n’était plus qu’un brasier.

Les constables chancelants, hébétés par l’ivresse, riaient, chantaient et dansaient autour du feu en prononçant des imprécations et des blasphèmes ; l’un d’eux, plus enragé que les autres, insultait les infortunés et disait :

— Votre bon Dieu, protecteur de la veuve et de l’orphelin, vous la rendra, braves gens ; si la foi transporte des montagnes, elle peut bien aussi relever les maisons.

— Ah ! ah ! ah ! ricanaient les camarades, on voit bien que tu as été un papiste dans le temps, tu n’as pas oublié les leçons des prêtres.

— Moi, fit l’apostat avec un effroyable juron, si j’avais un prêtre ici, je lui plongerais la tête dans la fournaise, on verrait si les anges viendraient l’en délivrer. Ah ! ah ! je voudrais bien voir cela.