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goutte, les constables laissèrent échapper un grognement de désappointement.

— Tu n’en a plus d’autre, la vieille, demandèrent-ils.

— Non, vous m’avez tout pris.

— N’avons-nous pas le droit de nous emparer d’une marchandise venue en fraude ?

— J’avais payé la taxe, gémit la pauvre femme.

— Tais-toi, sempiternelle pleurnicheuse. Voici le moment de s’occuper de tes affaires, reprit John Macly qui avait conservé son sang-froid, j’ai un ordre qui te concerne.

Il tira un papier de sa poche.

— Comme tu ne sais pas lire, je vais te dire ce qu’il contient. Tu es accusée de fraude et de connivence avec les bandits de la montagne, ton fils est un espion à leur service. Sa Seigneurie ne peut conserver sur le sol qui lui appartient des personnes hostiles et dangereuses pour la paix publique. Elle vous signifie de quitter à l’instant cette demeure, où sa bienveillance vous avait permis de résider jusqu’à ce jour.

La pauvre femme regardait d’un air hébété, ne pouvant croire à la possibilité d’un acte si monstrueux. En quoi elle et son enfant pouvaient-ils être un embarras pour le puissant landlord, un danger pour la paix publique !

— As-tu compris ? fit le brigadier. Dehors, vieille sorcière et vite, sinon nous allons t’aider joliment.

L’infortunée vit bien que ce n’était point une vaine menace échappée à un moment d’ivresse ; les constables agissaient en vertu d’un ordre signé des deux juges de paix du pays. Elle tomba aux pieds du brigadier, protestant de son innocence et de son dévouement au landlord.

Jack était au désespoir.

— Monsieur, tuez-moi, disait-il, mais ayez pitié de ma mère ; elle est vieille et infirme, elle se traîne péni-