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contre du solitaire venait l’arrêter sur cette voie ; la bénédiction de la noble victime était une grande grâce pour William ; se montrerait-il sourd à cet avertissement du ciel ? Un cœur jeune est rarement dépourvu de bons élans, William Pody se releva plus calme, résolu de ne pas céder aux suggestions de la jalousie qui l’avaient déjà si fatalement entraîné.

— Rien ne vous retient plus maintenant, mon fils, reprit le vieillard, je vais vous conduire à l’entrée de la montagne. Quoi que vous soyez venu faire ici, j’espère que vous ne me quittez pas avec de mauvais desseins ?

— Non, mon noble et vénérable ami, je vous le jure. Votre parole a été pour mon âme la rosée du ciel, il me semble que je suis devenu meilleur.

Le vieillard prit sa lanterne et précéda William dans les sentiers où, sans lui, il se fût de nouveau perdu.

Ils atteignirent enfin l’entrée du défilé, le solitaire s’arrêta et dit au jeune homme :

— Vous arriverez maintenant sans difficulté.

— Merci, dit William, je n’oublierai jamais ma rencontre d’aujourd’hui.

— Allez, mon fils, que la force de Dieu vous soutienne, marchez toujours dans le droit chemin de l’honneur et tenez-vous en garde contre la violence de vos passions.

Le vieillard s’éloigna lentement, William écoutait le bruit de ses pas avec une religieuse émotion, il regardait sa grande taille majestueuse, ses longs cheveux blancs, sa démarche si noble ; quand le solitaire eut disparu, il revint vers le village avec des sentiments tout différents de ceux qui l’avaient guidé d’abord.

— Non, murmurait-il, je ne dirai rien, quoi qu’il arrive je ne trahirai pas. Colette, ingrate créature, tu me ferais devenir mauvais ! Je suis ton fiancé cependant, tu en aimes un autre et la vie de cet homme est entre mes mains !