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ce divine a touché mon âme. Mes larmes sont devenues moins amères, j’ai cessé de gémir sur mes malheurs pour pleurer sur mes fautes et mes sentiments coupables. Dieu est le maître du cœur de l’homme. Il peut le broyer sous l’étreinte de la souffrance ; soumis à sa volonté sainte nous devons l’accepter sans murmurer, la révolte aigrit notre âme et n’amoindrit pas notre épreuve. Surtout ne faut-il jamais nourrir de haine contre celui qui a été l’instrument de nos maux ; rien n’arrive que par l’ordre de Dieu et Il se réserve de châtier lui-même le coupable.

« Le jour où j’ai compris cette sublime doctrine du pardon chrétien, le calme est rentré dans mon âme, les consolations de la grâce ont adouci ma vie. Le feu de l’amour divin a consumé jusqu’au dernier vestige de tout sentiment humain ; mon âme, détachée de la terre, attendait pour sa délivrance d’avoir pu prononcer sur la tête du descendant de celui qui tua mon fils, le pardon que je lui ai accordé à lui-même depuis longtemps. »

Le vieillard s’était levé, sa haute taille se redressa, son regard étant brillant, une auréole de sainteté illuminait le front majestueux du noble centenaire ; il étendit la main vers le jeune homme qui était tombé à genoux.

— William Pody, petit-fils de James Pody, je remercie le Seigneur de t’avoir conduit ici. Que Dieu relève de dessus ta tête le glaive de la justice. Celui qui n’a plus de nom parmi les hommes pardonne et te bénit.

Les faibles rayons qui s’échappaient du foyer éclairaient cette scène pleine de grandeur. Le jeune homme prosterné ne pouvait retenir ses larmes ; les malheurs et surtout la magnanimité du vieillard l’avaient profondément ému ; puis un remords s’éveillait dans son âme ; lui aussi se disposait à commettre une mauvaise action ; le sang de la trahison coulait dans ses veines. La ren-