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« — Merci, monsieur, lui dis-je ; votre générosité me prouve qu’il y a des hommes de cœur dans tous les partis ; mais voyez, ils ont tué mon fils, ma famille entière a déjà été massacrée, la mort sera une délivrance, laissez-moi mourir.

« — Je suis venu trop tard pour sauver votre fils, je le regrette, dit-il, mais je m’oppose à votre exécution. Tenez, voici un sauf-conduit signé de moi, il vous mettra à l’abri de tout danger.

« — Monsieur, dis-je encore, nous avons été trahis, quel est le traître ?

« Une idée étrange s’était emparée de mon esprit.

« — Le voilà, dit l’officier en désignant un homme qui essayait de se dissimuler derrière les soldats.

« Je regardai, c’était James Pody. Pour avoir la vie sauve et une somme d’argent, il avait livré ses frères !

« — Ah ! m’écriai-je, c’est toi, James ! toi, recueilli et élevé par mes parents avec tant de soins, tu reconnais ces bienfaits en vouant à la mort mon dernier enfant ! James Pody, sois maudit ! Que la colère de Dieu vivant tombe sur ta tête, que ta vie ne soit qu’un long déchirement ! Puisses-tu souffrir un jour le supplice que j’ai enduré par ta faute ! Que le sang de mon fils crie vengeance contre toi. James, James, sois mille fois maudit !

« — C’est un lâche, dit l’officier anglais qui m’avait sauvé.

« Je m’éloignai, emportant la tête de mon fils qu’on m’avait rendue et que j’ensevelis avec respect au pied d’un arbre. Après avoir longtemps pleuré, je me relevai vieilli de dix ans ; j’allai au hasard, mendiant sur ma route, et j’atteignis ces montagnes, où je me fixai pour finir mes jours.

« — J’ai terminé le long récit des douleurs de ma vie ; la grotte où nous sommes a été témoin de mon affreux désespoir, de mes pensées de vengeance. Enfin la grâ-