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les vainqueurs n’ont épargné ni les outrages, ni les supplices, ils ont juré l’extermination de notre race.

« — Quelques familles n’ont-elles pas échappé au massacre ? demandai-je espérant encore.

« — S’il en est qui ont pu fuir, et j’en doute, elles auront péri de misère et de faim.

« Je restai anéanti dans mon désespoir, maudissant nos maîtres féroces, regrettant que la mort m’eût épargné. Mon fils, qui restait seul de toute ma famille, me ranima par ses soins et son dévouement ; son affection me donna le courage de vivre. James Pody nous avait suivis, je ne me souvenais plus de sa conduite passée, je le traitais comme un ancien ami.

« Notre existence était très précaire, nous étions poursuivis par des bandes anglaises qui arrêtaient tous les insurgés et les mettaient à mort sans jugement. Traqués ainsi nous devions tôt ou tard tomber aux mains de nos persécuteurs.

« Un jour nous arriva la nouvelle de l’approche des Anglais, nous prîmes la fuite et nous nous réfugiâmes, avec beaucoup d’autres Irlandais, dans un bois situé au bas d’une montagne. James Pody avait disparu, nous ne savions ce qu’il était devenu.

« Les Anglais ignoraient le point où nous étions cachés et ils allaient passer sans s’occuper de nous, quand la trahison livra notre retraite. Nous fûmes tout à coup enveloppés d’un cordon de troupes ; pour abréger leur besogne, les soldats mirent le feu aux quatre coins du bois. Un long cri d’horreur se fit entendre ; les uns mouraient asphyxiés et brûlés au milieu d’atroces douleurs, les autres affolés se précipitaient au dehors et tombaient sur les baïonnettes anglaises.

« — Nous n’avons plus qu’à mourir, dis-je à mon fils, mieux vaut que ce soit en vendant chèrement notre vie. Nous avions des pistolets, nous nous élançâmes vers la lisière du bois. Cet endroit était moins bien