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maisons pour les convertir en balles et coupèrent dans la forêt des manches de piques dont ils s’armèrent après les avoir ferrées ; trois ou quatre mille d’entre eux se portèrent à l’improviste sur Dublin et tentèrent de s’emparer de la ville où les prisons regorgeaient de prisonniers. J’étais du nombre des insurgés, James Pody aussi.

« Nous ne pûmes pénétrer dans la ville et nous dûmes nous borner à la bloquer et à intercepter ses communications avec les provinces du sud en occupant tout le pays entre Dublin et les montagnes de Wiclow, contrée où les populations des campagnes, vouées à la plus grande misère, secondaient les efforts des insurgés. Un engagement eut lieu entre les Irlandais et les Anglais sur la colline de Tara, les patriotes firent des prodiges de valeur et, si leurs chefs morts ou emprisonnés avaient été là pour les diriger, cette journée eût pu être désastreuse aux armes anglaises.

« Mais nous manquions d’artillerie et notre organisation était défectueuse. Encore une fois l’insurrection fut étouffée ; les débris des bandes armées opérèrent isolément et sans succès. La division se mit dans nos rangs et la trahison acheva le reste.

« Tout à coup on apprit qu’une expédition française était débarquée dans le comté de Mayo et s’était emparée de la petite ville de Killala ; si ce secours était venu quelques mois plutôt, l’Irlande entière eût pris les armes, mais à l’époque où vint le général Humbert, le peuple irlandais était tombé dans la torpeur du désespoir.

« Le général essaya vainement de soulever le pays et d’appeler les habitants aux armes, leur promettant la protection de la France, très peu d’Irlandais se joignirent à lui.

« Résolu à combattre jusqu’à la fin pour mon pays, j’eus l’honneur de faire partie, avec mon fils aîné alors