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conde vue ? était-ce un magicien en commerce avec les esprits de la montagne ou un dernier survivant de ces pieuses tribus de solitaires à qui Dieu permet de pénétrer les secrets de l’avenir et les mystères du passé !

Le vieillard releva le jeune homme épuisé et lui dit d’une voix grave :

— Suivez-moi.

William éprouvait une vive terreur en présence de cet être étrange qui semblait à peine appartenir à la terre ; il eût voulu fuir, mais dans cet endroit désert et au milieu des ténèbres, il se fût inévitablement perdu. Il suivit donc le vieillard et arriva à l’entrée d’une grotte formée par un groupe de rochers.

— Entrez, dit le solitaire ; un peu de repos vous est nécessaire, vous êtes hors d’état de continuer votre route, d’ailleurs j’ai à vous parler.

Il ranima le feu et prépara une boisson chaude qu’il fit prendre au jeune homme.

— Merci, dit William, je me sens bien maintenant, je voudrais partir ; il est tard, il faut absolument que je rentre à Greenish.

— Ce n’est pas prudent, passez plutôt la nuit ici, demain matin vous retournerez au village sans danger, vous n’avez rien à redouter chez moi ; nous n’avons pas de malfaiteurs dans la montagne, quoiqu’une loi inique oblige des hommes honnêtes au fond à vivre en bandits et les pousse même, hélas ! à accomplir souvent des actes condamnables. Ne craignez donc point, la cellule du serviteur de Dieu est un asile sacré, vous pouvez y reposer avec calme.

— Ne me retenez pas, noble vieillard, mon absence causerait de l’inquiétude, la nuit est peut-être avancée ; qui sait même si ma disparition n’attirera pas sur moi les soupçons de la police, il faut si peu de chose pour porter ombrage à la justice et la moindre présomption suffit à motiver un châtiment sévère.