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mort. Il s’agita pour échapper à la sinistre vision et, dans sa folle terreur, il s’évanouit de nouveau.

— Que craignez-vous, mon fils ? dit l’apparition d’une voix douce.

— Grâce ! grâce ! fit le malheureux en ouvrant les yeux.

Un sourire effleura les lèvres du vieillard.

— Vous me prenez sans doute pour un fantôme ; il est vrai que j’appartiens à une époque reculée, Dieu a permis que la limite habituelle de la vie fût prolongée pour moi ; personne dans le pays n’a vu ma naissance et j’attends dans la méditation et la prière que le Seigneur me rappelle à lui.

La parole de cet homme était aussi étrange que son visage, mais c’était un être vivant et William se sentit rassuré.

— Qui que vous soyez, noble vieillard, dit-il, ayez pitié de moi. Étranger au pays où je me trouve, je me suis égaré ; la nuit qui m’environne ne me permet pas de reconnaître mon chemin. Veuillez m’indiquer la route qui me conduira hors de la montagne.

Le solitaire fixait sur le jeune homme un de ces regards scrutateurs qui pénètrent au fond des âmes.

— Comment vous trouvez-vous ici ? demanda-t-il.

William se sentit embarrassé, mais il reprit :

— Je suis un étranger, je vous l’ai dit ; ayant entendu vanter la beauté de ce paysage par une journée de neige, j’ai voulu le voir et la nuit m’a surpris, vous savez le reste.

Le vieillard secoua la tête.

— Les touristes s’aventurent rarement dans ce vallon, surtout en cette saison. Jeune homme, vos lèvres n’ont pas dit la vérité, le trouble de votre visage le prouve et vos yeux fuient le regard des miens.

— Ne voyez-vous pas, balbutia William, que l’état